mardi 8 juillet 2008

AUTO (CRITIQUE) in Mouvement.net


" Wampach foutraque, Cathala implacable
Deux nouvelles pièces marquantes au festival Uzès Danse

Radicaux et efficaces, David Wampach et Hélène Cathala ont imposé leurs styles dans le paysage chorégraphique haut de gamme du festival. Lui, présentait Auto (créé aux Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis) où il incarne – corps et âme – un travesti ; elle, faisait découvrir sa dernière création, Exode 1.25, définitivement déconcertante.

Les voyages forment la jeunesse des esthétiques. Depuis quelques mois, plusieurs artistes chorégraphiques français, de retour de répétitions à Lisbonne, ne jurent plus que par le Finalmente. Dans la capitale portugaise, ce petit cabaret travesti propose chaque lundi une soirée amateurs. Croyons-en nos artistes voyageurs : ce rendez-vous est unique sur la carte de l’Europe. Auto, toute nouvelle pièce de David Wampach, l’immortalise. Tout s’y passe comme si cet artiste avait nourri un autre projet, pour finalement laisser la découverte du Finalmente bousculer son propos ; le contaminer, et produire un spectacle inclassable, hors genre et imprévisible. Délicieusement foutraque.
Hors genre ? En tout cas transgenre.
De bout en bout, David Wampach l’interprète en travesti. Robe, perruque, talons aiguilles. Décalé, très physique, mais comme ailleurs. Là où on ne l’attendait pas. Un rien réservé, flouté. Pourtant si présent. Même pas parfait. Combien connaît-on de travestis « parfaits » ? Là n’est pas le pouvoir du travesti. Le travesti illumine d’une autre manière : il bricole, il s’arrange, mais par cet à-peu-près touche à des déterminants parmi les plus intimes et constitutifs. Le masculin. Le féminin.
Dans cet écart entre effets et moyens, le travesti fascine. Chancelant, outrancier, il n’en touche pas moins le cœur de cible du trouble et des passions de la métamorphose ; du spectacle. La feuille de salle d’Auto distribuée au festival d’Uzès ne mentionnait, pour note d’intention, que les mots desillusionsdesillusionsdesillusions, répétés soixante-dix neuf fois en cascade. Des illusions. Désillusion.
Auto est également interprété par un musicien, Aurélien Richard, sur un piano qui ne cesse de rouler sur scène, parcourant tout l’espace. Au côté d’un danseur parfois limité par ses évolutions haut perchées, on n’a jamais vu musique saisie d’un mouvement chorégraphique aussi gaillard. D’autant que ses sonorités puissantes, métalliques et flamboyantes, peuvent continuer de se déployer si le musicien se retire : qu’est-ce qui est joué live ? Qu’est-ce qui est enregistré ? Quel support ? Quelle partition ? Y a-t-il un son plus vrai qu’un autre ? Tout bouge.
Un autre grand décollement se produit dans la machine à spectacle. Cela par la projection de vidéos. Où se trouve Wampach ? A l’écran, côté images. Hors champ, comme réalisateur. Mais encore présent en réel devant l’écran, interprétant ses propres personnages, dans une hyperbole d’énergie hystérisée. Tout bouge. Ces films paraissent une captation de show au Finalmente, mais tout autant un décalque décalé, exagéré, de Carrie, de Brian de Palma, ou Desperate Living de John Waters.
Zébré, sans peurs, touchant et drôle, David Wampach manie ici la référence pour mieux s’en affranchir, déjouant tout risque d’application, ou pontification. Concluant sur un pastiche de numéro de femme sciée, de corps défait, de spectacle foiré, Auto respire une joyeuse liberté.

(...) "

Gérard Mayen

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